Homélie de Mgr Souchu du 18 août 2024 – Messe avec l’Harmonie de la Nehe
Frères et Sœurs,
La liturgie définit ce dimanche, jour du Seigneur, comme le vingtième dimanche du temps ordinaire. Or aujourd’hui, en notre cathédrale de Dax, ce dimanche n’a rien d’ordinaire. En effet, nous sommes en fête : ce sont les ferias de Dax, ce sont les belles victoires de nos athlètes aux Jeux olympiques, c’est la présence festive de l’orchestre de la Nehe et du Cercle choral dacquois.
Dans ce contexte exceptionnel, j’aimerais méditer avec vous sur le thème de l’exigence. En effet, lorsque l’on interviewe nos brillants sportifs après l’obtention de leur médaille, vous les entendez parler de travail, de contraintes, d’efforts, de sacrifices. Les sportifs résumeront cela en entraînements et les musiciens en répétitions. Bref le succès n’est que le fruit de l’exigence.
Et ce qui est valable pour la vie sportive ou musicale est tout à fait applicable à la vie chrétienne. Déjà Saint Paul avait saisi la similitude. Voici ce qu’il écrit dans la première épître aux Corinthiens : « Tous les athlètes s’imposent une ascèse rigoureuse ; eux, c’est pour une couronne périssable, nous pour une couronne impérissable. »
Pour conduire cette méditation sur l’exigence, je m’appuierai sur une belle phrase de Saint Jean Bosco, célèbre éducateur de la jeunesse, au XIXe siècle : « L’amour sans exigence me diminue ; les exigences sans amour me découragent ; Ton amour exigeant me grandit. »
L’amour sans exigence me diminue.
Dans la première lecture, tirée du Livre des Proverbes, « la Sagesse a dressé la table, elle invite au festin. » Tout le monde est invité, mais au prix d’une exigence : faire preuve d’intelligence, non d’étourderie. En ce sens, l’amour sans exigence nous diminue.
C’est bien un risque dans notre société et particulièrement dans l’éducation des enfants et des jeunes. Ceux et celles à qui on laisse tout passer finissent par ne plus avoir de repères ; ils pensent que tout est dû, tout de suite. Un amour laxiste des parents, au lieu de permettre à l’enfant de grandir, de construire sa vie, le diminue.
C’est un des risques de nos ferias où tout semble possible jusqu’à parfois des débordements. Vous venez d’entendre la recommandation de Saint Paul : « Ne vous enivrez pas de vin, car il porte à l’inconduite. » Mais lorsque l’on ouvre la cathédrale pour des soirées de louange et de prière, certains jeunes s’étonnent d’être venus et découvrent que ce temps de prière est devenu le plus beau moment de ces ferias !
Les exigences sans amour me découragent.
Si Saint Paul demande aux Éphésiens de ne pas vivre comme des fous et prononce quelques exigences de vie, c’est que ses contemporains n’étaient pas irréprochables. Mais pour ne pas les décourager, il leur en donne la raison : « Ne soyez pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin, soyez plutôt remplis de l’Esprit-Saint. »
Face aux contraintes, seul l’amour des accompagnateurs est capable d’empêcher le découragement, en éclairant les finalités heureuses. Dans un orchestre, comme celui de la Nehe ou dans une chorale, comme le Cercle choral Dacquois : il faut des exigences. On ne peut pas imaginer que chaque musicien joue tout seul sa partition ou que chaque choriste chante ce qu’il veut quand il veut. S’il y a des exigences, c’est parce qu’il y a un but, obtenir la plus belle harmonie possible.
Lorsque j’étais jeune, j’avais un professeur de piano très exigeant et qui me faisait peur. J’étais prêt à arrêter le piano, alors mes parents m’ont trouvé un autre professeur, exigeant lui aussi, bien sûr, mais plein d’amour pour la musique et ce qu’elle transmet. En me communiquant l’amour de la musique, il m’a permis de reprendre courage.
Ton amour exigeant me grandit.
L’Évangile, dans le chapitre 6 de Saint Jean, nous décrit le lien vital entre le Christ et ses fidèles. Il nous donne une seule exigence : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour. »
C’est une exigence qui commence par le don de soi : pour avoir la vie du Christ en nous, il faut accueillir le don de la vie de Jésus en son corps livré et son sang versé sur la croix, sacrifice que nous renouvelons à chaque eucharistie. C’est en ce sens que cet amour nous grandit. Sa chair, c’est-à-dire l’être humain complet, est la vraie nourriture ; son sang, principe vital de vie, la vraie boisson.
Comme je suis triste lorsque je vois que la première communion des enfants au corps du Christ, est souvent la dernière de leur vie. Comme je rends grâce lorsque des jeunes et des adultes demandent à communier pour la première fois, car ils ont compris que leur attachement au Christ passait par cet amour exigeant qui nous grandit.
Alors oui, frères et sœurs, ces textes de la Parole de Dieu lus au cœur même de nos ferias, nous rappellent bien que l’amour sans exigence nous diminue ; que les exigences sans amour nous découragent et que l’amour exigeant de Dieu nous grandit. Alors que nous sommes entre la fin des jeux olympiques et le début des jeux paralympiques, cela pourrait constituer comme une paraphrase de la devise olympique : l’amour sans exigence me diminue en m’empêchant d’aller Plus vite ; les exigences sans amour me découragent en m’empêchant d’aller Plus haut ; l’Amour exigeant de Dieu me grandit en me rendant Plus fort.
+ Nicolas SOUCHU,
Évêque d’Aire et Dax