Homélie de Mgr Jean-Marie Le Vert, évêque auxiliaire de Bordeaux
NATIVITÉ DE LA VIERGE MARIE
Dimanche 8 septembre – Sanctuaire Notre-Dame de Buglose
Frères et sœurs, nous voici rassemblés ici, dans ce sanctuaire marial de Buglose, pour fêter la Nativité de la Vierge Marie. Et la question que nous pouvons tous nous poser est : pourquoi sommes-nous venus ici ? Nous pouvons porter au cœur des joies, des remerciements, mais aussi des difficultés, des préoccupations pour notre avenir… Nous portons bien sûr tous les diacres de votre diocèse, puisque nous fêtons cette année les 60 ans de la remise en œuvre du diaconat permanent dans notre pays.
Mais c’est aussi l’occasion de penser à nos vies, à nos familles, à votre diocèse, à notre monde : qu’est-ce qui peut bien leur donner du sens ? Qu’est-ce qui peut y apporter espérance et bonheur, puisque c’est le thème même de votre synode diocésain que nous portons aussi dans la prière ce matin ? En ce jour une réponse nous est proposée : ce qui peut vraiment changer les choses, ce qui peut donner un sens à notre existence, c’est la foi au Christ, fils de la Vierge que nous honorons ici.
L’annonce faite à Joseph, que nous avons entendue dans l’évangile, est là pour nous le rappeler : si le Fils de Dieu a décidé d’entrer dans notre histoire, c’est pour un but bien précis, qui nous est indiqué par le nom même qu’il porte. En effet, le nom de Jésus signifie : « le Seigneur sauve ». Marie est née, et elle a elle-même donné naissance à Jésus parce que Dieu veut nous sauver. Nous l’avons aussi entendu dans la première lecture.
Mais si Dieu veut nous sauver, c’est que nous avons besoin d’être sauvés de quelque chose. Nous avons besoin d’être sauvés du mal et de la mort qui ont leur source dans le péché. Et nous savons qu’il nous est impossible d’y arriver par nos propres forces. Je ne sais pas, frères et sœurs, si nous avons vraiment conscience aujourd’hui que nous avons besoin d’être sauvés. Cette notion de Salut semble peu présente dans nos discours et reste souvent un concept assez vague. Or l’enjeu est majeur. Car dire que nous avons besoin d’être sauvés par le Christ veut dire qu’il y a un risque de ne pas être sauvé, et que nous avons le choix d’accepter ce Salut ou de le refuser.
Cela veut dire poser notre vie face à son sens ultime. Et c’est la question que tout homme doit se poser : quel est le sens de ma vie ? Si Dieu m’a voulu, si Dieu veut que j’existe, avec les caractéristiques de cette volonté que nous avons entendues dans la seconde lecture, quelle en est la raison et quel en est le but ? Quelle est la raison d’être de mon existence ? Comment faire pour être heureux ? Vraiment, totalement ? C’est LA question, et il est absolument nécessaire de se la poser. Frères et sœurs, ne vivons pas comme si nous n’allions pas mourir et comme si tout serait automatique après notre mort. Nous, chrétiens, nous croyons que la vie ne s’arrête pas à l’existence d’ici-bas ; nous croyons que nous sommes faits pour voir Dieu, pour vivre éternellement dans son amour. C’est notre espérance ! Mais nous croyons aussi que ce que nous vivrons ensuite dépend de la manière dont nous aurons vécu actuellement, de la manière dont nous aurons laissé le Christ guider notre vie ou pas ; nous croyons que c’est dès maintenant que nous acceptons ou refusons que le Seigneur nous guide et devienne ensuite le compagnon de notre éternité.
Je ne vous dis pas cela pour vous faire peur, mais parce que cela a quelque chose à voir avec ce que nous célébrons ce matin. La Nativité de la Vierge Marie est que le signe de cette puissance de l’amour de Dieu pour notre terre. Mais croyons-nous, aujourd’hui, chacun pour notre part, là où nous sommes et tels que nous sommes, que Dieu seul a la puissance de changer quelque chose en ce monde ? Beaucoup croient que ce qui régit vraiment nos sociétés, c’est la force, la loi du plus fort, l’argent, le pouvoir… La crise que nous connaissons depuis des années dans notre monde semble en fait montrer le contraire… Car en fait, ce n’est pas la force ni la violence, ce n’est pas la haine, la rancune ni le mépris qui change le monde ; c’est l’amour, l’amour sauveur du Christ pour les hommes, l’amour plus fort que la haine et que la mort.
Mais pouvons-nous renforcer cette conviction ? Pour cela, je vous invite à vous demander ce qui est vraiment essentiel dans votre vie, ce que vous ne voudriez perdre sous aucun prétexte, ce qui vous donne la force de vivre, ce qui est fondamental. Prenez le temps de réfléchir à votre réponse, car elle peut orienter toute votre vie ! Je sais bien que tous, nous sommes soumis à de multiples influences qui fait que notre foi court le risque de rester superficielle, en étant reléguée au second rang par rapport à bien d’autres choses que nous jugeons plus importantes. Mais à un moment, il nous faut choisir, car notre bonheur en dépend. La foi au Christ veut proposer le bonheur. Le croyons-nous, au point d’orienter notre vie vers lui, comme l’a fait Marie, comme l’ont fait tant de personnes venues prier ici ? Ces personnes n’étaient pas différentes de nous, ni meilleures ni pires. Le choix que nous avons à faire n’est pas réservé à quelques-uns, qui seraient des êtres supérieurs, ou dont la vie serait exceptionnelle. Chacun de nous peut faire ce choix, parce que chacun de nous est aimé de Dieu d’une façon inimaginable.
Et si nous sommes prêts à suivre le Christ parce que nous reconnaissons en lui la source de la vie, demandons-nous aussi si nous voulons transmettre à ceux qui nous entourent ce trésor. N’ayons pas peur de vivre en chrétiens, et n’ayons pas peur de le dire aux autres. Car notre monde se meurt par manque de l’amour véritable qui vient du Christ. Tout ce que notre monde découvre, les sciences, les nouvelles technologies, les loisirs… n’ont de sens que s’ils sont inspirés et s’ils nous conduisent à l’amour. Quelle est l’espérance la plus profonde qui habite notre monde, même de façon cachée, sinon qu’on lui annonce ce qui peut vraiment le rendre heureux ? De quoi notre monde a-t-il le plus besoin, pour ne pas se déshumaniser, sinon qu’il y ait des hommes et femmes comme vous, comme nous, qui ont découvert le secret de Dieu, et qui le transmettent ? Notre monde a besoin de témoins de l’Amour de Dieu, de sa présence. Il a besoin des chrétiens. Non parce que nous sommes les meilleurs, les plus intelligents ou les plus parfaits, mais parce que nous avons la chance incroyable de connaître le secret de Dieu, ce secret qui nous a été donné par Marie.
Face à cette nécessité de transmettre aux autres notre foi, demandons aussi à Notre-Dame de Buglose d’intercéder pour les vocations diaconales, sacerdotales et religieuses dans notre Église. Car il nous faut des diacres, des prêtres, des religieux et des religieuses pour soutenir les efforts missionnaires de nos communautés et de nos paroisses. Prions donc pour que de nombreux jeunes et de moins jeunes entendent l’appel du Christ à le suivre complètement. Prions pour que tous, nous acceptions de mettre le Christ au centre de notre vie, car c’est ainsi que parmi nous pourront naître des vocations.
Frères et sœurs, cet après-midi, nous sommes pleins de joie et de reconnaissance pour ce lieu, pour tout ce qui s’y est vécu depuis des siècles. Nous honorons Marie qui ici a exaucé tant de fois la prière de ces enfants. Mais ce qui doit être la vraie cause de notre joie, c’est que nous sommes tous appelés à la vie éternelle, en accomplissant la volonté du Seigneur et en nous laissant sauver par lui. C’est notre espérance.
Amen.