
Homélie de la messe pour le pape émérite Benoit XVI
Frères et Sœurs,
Imaginez un cirque, dont le clown est prêt à entrer en scène. Or un feu vient d’éclater dans le village. On envoie alors la personne habillée en clown prévenir la population. Mais celui-ci a beau crier : « Au feu, au feu ! », personne ne le croit puisqu’il est habillé en clown. Finalement non seulement le village a brûlé, mais aussi le cirque où le clown devait présenter son numéro.
Cette petite histoire racontée par le philosophe danois Kierkegaard et reprise par le théologien américain Harvey Cox dans La Cité séculière, sert d’introduction au livre du théologien Joseph Ratzinger intitulé : Foi chrétienne hier et aujourd’hui. Le Père Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI entre 2005 et 2013, en conclut que le chrétien est parfois comme un clown dans la société : il dit des paroles sérieuses, mais personne ne le croit.
Devenu archevêque de Munich en 1977, il choisit comme devise épiscopale : Collaborateur de la Vérité. Cette vérité, il ne cessera de la chercher, d’y travailler, d’abord comme étudiant avec sa thèse remarquée sur saint Bonaventure, puis comme enseignant universitaire à Bonn, Tübingen et Ratisbonne. Disciple de saint Augustin, il élabore cette histoire d’amour avec la vérité. Expert au Concile Vatican II comme conseiller du cardinal Frincks, archevêque de Cologne, il travaille à l’élaboration de deux grands documents : Dei Verbum, la constitution dogmatique sur la Révélation Divine et Lumen Gentium sur l’Église. Saint Jean-Paul II le nomme préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi en 1981. Il le restera jusqu’à son élection comme évêque de Rome en 2005.
À peine élu pape, il se présente comme un simple serviteur de la vigne du Seigneur. Au Vatican, il emmène son piano et son chat, ce qui montre sa simplicité de vie !
Le diocèse d’Aire et Dax est redevable à Benoît XVI d’avoir rapidement nommé un successeur à Mgr Philippe Breton, Mgr Hervé Gaschignard, mon prédécesseur.

Moi-même, c’est par lui que j’ai été nommé évêque auxiliaire de Rennes, le 28 novembre 2008. J’avais eu l’occasion de le rencontrer en accompagnant, comme vicaire général, mon évêque, lors d’une visite ad limina.
Comment oublier ce visage où rayonnait en même temps tant d’intelligence et de bienveillance ? C’est sûr que le cardinal Joseph Ratzinger avait une bonté et une réflexion qui sortaient du lot ! Il nous avait même étonnés lorsqu’il nous avait affirmé que, pour lui, l’avenir de l’Église se ferait dans des petites communautés chrétiennes. On était loin de la caricature du Panzer-cardinal dont les médias l’avaient affublé !
C’est à cette époque qu’il a publié un texte capital de la Commission Biblique Pontificale, intitulé : L’interprétation de la Bible dans l’Église. Ce document avait pour but de lutter contre une lecture fondamentaliste de la Bible.
Devenu pape, il a su poursuivre son propre travail théologique. En plus des trois encycliques, documents qu’il a écrits en tant que pape, Dieu est Amour en 2005, Sauvés en Espérance en 2007 et La charité dans la Vérité en 2009, il a publié, à titre plus personnel, deux ouvrages sur Jésus de Nazareth, plus un volume sur les évangiles de l’enfance, qu’il a signés Joseph Ratzinger – Benoît XVI. Ses homélies gardaient une touche personnelle : elles étaient travaillées, dans le souci de la plus grande clarté.
En prenant le nom de Benoît XVI, il souhaitait d’une part honorer saint Benoît, co-patron de l’Europe, et d’autre part rappeler le rôle du pape Benoît XV durant la première guerre mondiale. Il voulait ainsi manifester sa recherche de réconciliation et d’harmonie entre les peuples. C’est ce que souligne le passage de la première lettre de Saint Jean dans la première lecture : « Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Voici comment nous avons reconnu l’Amour ; lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. »
Enfin l’Évangile nous décrit l’appel des premiers disciples : « Suis-moi ». Joseph Ratzinger, pape Benoît XVI, n’a cessé de répondre à l’appel du Seigneur par l’intermédiaire de l’Église. Et, quand ses forces ont diminué, il a eu la liberté et la sagesse de renoncer à sa charge, jusqu’à ce que le Seigneur l’accueille dans son éternité ce 31 décembre 2022, tandis qu’il prononçait ces derniers mots : « Seigneur, je t’aime ».
Alors, rendons grâce pour le don que le Seigneur nous a fait en la personne du théologien Joseph Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, et prions pour qu’il soit accueilli dans le royaume de Dieu, en bon et fidèle serviteur.
+ Nicolas SOUCHU
Évêque d’Aire et Dax